Au début de l’aventure en 1969, le FESPACO s’appelait Premier festival du cinéma de Ouagadougou. La particularité de ce festival, c’est l’engouement qu’il suscite au niveau du public. Il est le festival qui invite les cinéphiles dans les salles pour même suivre les films en compétition sans aucune condition si ce n’est obtention du ticket d’entrée. L’objectif qui a prévalu à la création de cette fête du cinéma à Ouagadougou dès le départ était de faire visionner les films africains par les peuples africains. Cette vision semble avoir réussi. Selon Colin Dupré, l’auteur de Le Fespaco une affaire d’Etat(s) : « Le festival draine à chaque édition en moyenne 500000 spectateurs venus de toute l’Afrique de l’Ouest et au-delà ». Ce triomphe a pour base le militantisme pour le développement du cinéma africain et l’appropriation par les Africains de leur patrimoine culturel à travers les images. Cet engagement était clair dès les premiers moments en 1969, neuf ans après l’indépendance de la Haute-Volta. En plus d’en faire un outil culturel, le caractère panafricaniste de la cinématographie s’était aussi manifesté. Il s’est réellement manifesté sous un prisme idéologique sous le Conseil national de la Révolution (CNR) à travers le leadership du leader de la Révolution d’Août 83, Thomas Sankara à la 9ème et à la 10ème édition en 1985 et en 1987.
Un an avant le début de l’expérience du FESPACO en 1968, Ouagadougou à l’image des autres capitales africaines était toujours sous la férule du colonialisme des écrans. C’était les films occidentaux qui étaient toujours servis aux cinéphiles. Ces films venaient de la France, des Etats-Unis et de l’Inde mais jamais des films africains. Dans les ciné-clubs de l’époque à Ouagadougou du Centre culturel Franco-Voltaïque, des questions taraudaient les esprits sur la persistance de ce colonialisme culturel. Pour les amoureux du cinéma, il était nécessaire d’offrir une place de choix au cinéma africain naissant. A la fin de l’année 1968, l’essentiel était fait pour l’aboutissement quelques mois plus tard de la naissance de l’ancêtre du FESPACO, le Premier festival de cinéma de Ouagadougou. Les enjeux politiques du festival sont perceptibles. Le festival est en lui un objet historique. Depuis sa création et sans exception tous les régimes politiques qui se sont succédé, il a toujours existé un consensus autour de cette manifestation. Le FESPACO est une activité importante pour l’Etat burkinabè. Il a été utilisé par les gouvernements successifs qui ne l’ont jamais remis en cause.
Dans l’ouvrage Le Fespaco une affaire d’Etat, l’auteur indique que : « L’analyse des rapports entre le Burkina Faso et son festival nous amène à un questionnement à deux nouveaux, une échelle nationale (interne) et une échelle internationale (externe). D’un point de vue interne, les grands événements politiques Burkinabè parmi lesquels on peut citer les nombreux coups d’Etat et régimes d’exception qu’a connus la Haute-Volta (puis le Burkina Faso), ou la période révolutionnaire qui s’étale de 1983 à 1987 ont tous infléchi le cours du festival. Plus récemment, on peut se demander quelles ont été les répercussions des « affaires » politiques internes comme l’assassinat de Thomas Sankara ». Sur le plan externe Colin Dupré toujours dans le même livre souligne le caractère militant du FESPACO : « Militant dès sa première édition par essence, le Fespaco a pris une dimension politique de plus en plus importante.
Le panafricanisme en fut la première expression, on l’a vu, mais aussi l’anti-impérialisme, très vivace à ce moment-là, et pour longtemps encore. La manifestation mobilise dès l’origine des intellectuels et des artistes africains de renom ; de ce fait, elle jouit d’un véritable pouvoir, pouvoir idéologique, pouvoir fédérateur, pouvoir militant. L’Etat hôte d’une manifestation de ce genre ne peut ignorer ce potentiel, c’est pourquoi la Haute-Volta institutionnalise le festival en 1972. » Le FESPACO se place dans le jeu politico-diplomatique du Burkina Faso. Il en subit les influences. Le festival détient le leadership pendant longtemps du cinéma au plan continental. Le cinéma est un art qui intègre tous les autres arts. Il est également un véhicule idéologique. C’est l’un des arts les plus populaires. Car il s’adresse immédiatement au public.