« Dans la vie, il n’y a pas de sot métier. Si je refusais d'exercer ce travail afin de me prendre en charge et subvenir à mes propres besoins sous prétexte de mon statut, qui le ferait à ma place ? » s'interroge Aboubacar, un étudiant qui exerce le métier de livreur. Dans la capitale burkinabè, il n’est pas aisé de dénombrer ces jeunes qui excellent dans le domaine de la livraison. De Bendogo à Pissy, de Bassinko à Ouaga 2000, ces jeunes arpentent les différents quartiers de la capitale burkinabè afin de livrer des produits de tout genre et de toute nature. Un métier qui, de l'avis de ceux qui l'exercent, nourrit bien son homme et leur permet de gagner dignement leur vie, sans complexe aucun.
Il est 09 heures ce 17 août 2022 quand nous arrivons au quartier Wayalghin de Ouagadougou pour honorer un rendez-vous que nous avons pris avec un livreur. Habillé en chemise bleue parsemée de blanc, casquette sur la tête et sourire aux lèvres, Aboubacar, tout en prenant son café pour débuter sa journée, attend d'un moment à l'autre un appel téléphonique d'une cliente. Cela se concrétise une quinzaine de minutes après. Fermant avec ferveur la porte de sa maison située à un jet de pierre du Camp de la Compagnie républicaine de sécurité (CRS), il enfourche sa moto, direction le marché central de la capitale où des appareils électroménagers attendent d’être livrés. Sur les lieux, l’expéditrice ne manque pas d'éloges à l'endroit de son livreur habituel. Awa KABORÉ, puisque c'est d'elle qu'il s'agit, a toujours été satisfaite par la promptitude de son livreur quand le besoin se fait sentir. « Depuis que j'ai fait la connaissance d'Aboubacar par l'intermédiaire d'une amie, toutes les fois que j'ai des marchandises à livrer, je lui fait appel. Et franchement, il a toujours répondu présent. Il exerce son métier avec dévouement et tout le sérieux possible. Pour moi, c’est le modèle de jeune dont le Burkina Faso a besoin. »
Après lui avoir arraché quelques mots, pas de temps à perdre. Nous devons nous rendre à Tanghin, quartier situé dans l’arrondissement n°4 de la ville de Ouagadougou, où la marchandise doit être livrée. À destination, Madame TAPSOBA reçoit sa commande avec fierté. Elle aussi, salue le professionnalisme avec lequel ce livreur exerce son métier.
« Vraiment, il est rapide dans la livraison, malgré la circulation dense de la ville. Mes amies et moi avons créé un groupe WhatsApp dans lequel il a été intégré pour nos différentes livraisons » témoigne la dame, tout heureuse.
Après avoir empoché les frais de cette livraison avec un léger sourire, Aboubacar, se confie à nous. Venu en 2017 dans la capitale pour faire des études germaniques après l'obtention de ce qui était considéré jusqu’à une période récente comme le premier diplôme universitaire, le nouveau bachelier sera confronté à la réalité du Campus comme à celle de la ville de Ouagadougou. Il décide alors de se lancer dans le métier de livreur. À la question de savoir s’il n’est pas complexé dans son métier avec son statut d’étudiant, ce jeune de 26 ans, qui a été au début la risée de certains de ses camarades, se veut on ne peut plus clair.
« Dans la vie, il n’y a pas de sot métier. Si je refusais d’exercer ce travail afin de me prendre en charge et subvenir à mes propres besoins sous prétexte de mon statut, qui le ferait à ma place ? » s'interroge-t-il avant de s'offusquer : « Quand je vois certains de mes condisciples ne jurer que par la fonction publique, je suis choqué. Si ceux qui ont construit les États-Unis d'Amérique, le Royaume-Uni, la France et tous les pays que nous envions aujourd’hui se stabilisaient tous dans la fonction publique, ces pays-là ne seraient pas à l'étape où ils ont actuellement. »
Il invite par ailleurs ses camarades à se départir de toute idée négative et de se concentrer sur leurs différentes activités car dit-il, le jour où ils seront indisposés à exercer leur travail, personne ne viendra les prendre en charge.
Toutefois, Aboubacar a quelques épines à son pied ; ce qui le met mal à l'aise dans l’exercice de son métier. Le risque d'accident lié à la vétusté de son engin dont le moteur s’arrête parfois en pleine circulation, le manque de casque pour sa protection en cas d'accident et l’irrégularité des livraisons sont les défis auxquels doit faire face ce jeune homme.
Il appelle toute bonne volonté qui, d'une manière ou d'une autre peut lui prêter main forte afin qu'il puisse non seulement exceller davantage dans son métier, mais aussi de réaliser son plus grand rêve, celui de créer une grande structure spécialisée dans la livraison à domicile, à Ouagadougou et même dans les autres grandes villes du pays.