Les autorités du Bénin ont récemment “ordonné” aux sites d’information en ligne de fermer et de mettre la clé sous la porte : un coup dur pour le secteur des médias, déjà précaire et soumis à une importante pression du pouvoir.
La Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (Haac), instance de régulation des médias béninois, a publié un discret communiqué, début juillet, menaçant les “médias en ligne de mettre fin à toutes publications sous peine de se voir appliquer la rigueur de la loi”.
L’institution assure constater “une création tous azimuts de médias en ligne sans autorisation préalable”, mais reste floue sur les contours de cette nouvelle interdiction.
“Il y a des gens qui ne répondent pas aux enquêtes de moralité”, s’est défendu un porte-parole de la Haac, Fernand Gbaguidi, lors d’une conférence de presse. “Cela constitue un danger pour le pays”.
Léonce Gamaï, le manager général de Banouto, un site d’actualité et d’enquête très populaire dans ce pays d’Afrique de l’Ouest, dit vouloir “observer l’attitude de la Haac”.
Il a “mis en veilleuse” son site, et a dû suspendre son équipe de sept journalistes en attendant d’y voir plus clair. Mais, depuis une semaine, lui-même a perdu le sommeil. “Nous avons des engagements avec des partenaires et nous avons l’obligation de les honorer”, se désespère-t-il.
Le journaliste affirme ne pas comprendre cette décision. “Banouto existait déjà avant le cadre légal… et nous avons rempli toutes nos formalités depuis un an”, se défend-t-il. “Nous attendions la validation de la Haac”.
Léon Anjorin Koboubé, expert en communication interrogé par l’AFP regrette cette décision et le fait que les médias en ligne doivent “payer pour la lenteur administrative”.
Ces obstacles sont une “façon de tuer les initiatives locales”, estime l’expert. Il dénonce d’ailleurs une décision “anachronique et contre-productive, qui ne cadre pas avec le contexte technologique au 21e siècle”.
“Réduire au silence”
Dans le monde des médias, beaucoup voient une manière pour le gouvernement de Patrice Talon, accusé d’avoir engagé le Bénin dans un tournant autoritaire, de resserrer l‘étau sur la liberté d’expression.
Plusieurs journalistes et blogueurs ont déjà été poursuivis depuis l’adoption, en avril 2018, d’une loi portant Code du numérique, criminalisant les délits de presse en ligne et notamment le partage de “fausses informations” sur les réseaux sociaux.
En vertu de cette loi, Ignace Sossou, journaliste d’investigation pour le site Benin Web TV, a été arrêté en décembre, après avoir relayé des propos critiques du procureur de la République à l’encontre du pouvoir, sur Facebook et Twitter.
Il avait finalement été lourdement condamné à 12 mois de prison, dont 6 mois ferme pour “harcèlement”, bien que les propos retranscrits aient été tenus.